Si le chômage ne diminue pas, c’est forcément la faute des chômeurs… Telle est la philosophie du décret du 30 décembre 2018 sur le renforcement du contrôle des demandeurs d’emploi et l’adoption de nouvelles sanctions
Cet article a été publié par la CGT Pôle emploi Grand Est le 28 janvier 2019
Renforcement des sanctions
Ce raisonnement à l’emporte-pièce avait pour seul but de stigmatiser les chômeurs alors que le gouvernement, comme celui d’aujourd’hui, était incapable d’enrayer véritablement le chômage.
Macron procède de la même façon, en poussant le curseur encore un peu plus loin, comme à son habitude.
Le Décret du 30 décembre 2018 renforce le contrôle de la recherche d’emploi encore plus durement que ce que laissaient entrevoir les annonces gouvernementales entourant l’adoption de la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018.
Même si certaines sanctions sont amoindries, pour donner le change, dans l’ensemble il s’agit bien d’un renforcement des sanctions et d’une restriction des droits des chômeurs. Dans un certain nombre de cas, on passe d’une suspension des droits à des radiations directes. De plus, les radiations ne sont plus prononcées par une commission réunie par le préfet pour « manquements répétés » mais directement par Pôle emploi.
La faute aux chômeurs
Bref, si le gouvernement est incapable d’enrayer le chômage de masse, et si les entreprises n’embauchent pas malgré les milliards d’aide qui leur sont accordées, c’est forcément de la faute des chômeurs selon Macron : c’est tellement plus facile de faire la guerre aux chômeurs plutôt que de faire la guerre au chômage…
Rappelons que :
– le volume d’offres d’emploi disponibles est nettement inférieur au nombre de privés d’emploi.
– on dénombre environ 40 millions de déclarations d’embauches par an en France. Par conséquent les 350 000 offres non pourvues représentent moins de 1% des déclarations d’embauches.
– de nombreuses offres d’emploi sont frauduleuses ou illégales. D’autres, tout en restant dans les limites de la légalité, ne sont pas réalistes compte tenu de l’état du marché.
– près de la moitié des chômeurs inscrits à Pôle emploi ne sont pas indemnisés.
– la fraude à l’emploi n’est estimée qu’à 0,4% : 99,6% des privés d’emploi cherchent à travailler dignement.
– selon un rapport de la Cour des Comptes, la fraude des entreprises explose (elle a doublé depuis 2007) pour se chiffrer à plus de 20 milliards d’euros par an (avec un taux de recouvrement par l’Etat de seulement 1,5%… il faut bien protéger les copains…). En comparaison, la fraude des particuliers (toutes prestations sociales confondues) ne représente que 3 milliards d’euros par an (avec un taux de recouvrement de 90% : c’est tellement plus facile d’envoyer les huissiers chez un pauvre chômeur que chez un employeur du CAC40…).
– le Défenseur des Droits a, à plusieurs reprises, et encore dans un rapport récent datant du 14 janvier 2019, alerté sur la difficulté rencontrée par des demandeurs d’emploi confrontés à une dématérialisation à outrance qui n’est pas adaptées aux plus démunis.
– une étude de grande envergure, menée par l’INSERM en 2015, a dressé un constat alarmant concernant la santé des chômeurs. Plus de 10 000 décès seraient imputables au chômage chaque année en France. Le risque de décès est trois fois plus élevé chez les chômeurs, le risque de suicide deux fois plus élevé (stress, dépression, problèmes cardio-vasculaires, addictions, manque de soins médicaux faute d’argent, etc.)
La culture de la culpabilisation
Le changement de regard de l’institution Pôle emploi sur les privés d’emploi, avec le passage d’une culture de l’écoute, du conseil, et de l’empathie, vers une culture de la culpabilisation, de la stigmatisation, de la coercition et du contrôle des chômeurs, a provoqué de la colère chez les usagers, des tensions en situation d’accueil, et une augmentation significative des agressions envers les agents. Les propos débridés, « décomplexés », et provocateurs de nos élites envers les chômeurs, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat (les « sans-dents », les « fainéants », ceux qui « ne servent à rien », les » pauvres qui déconnent », la rue qu’il suffirait de traverser pour trouver un emploi, etc.) ont choqué et accru la colère de bon nombre de nos usagers.
Les inquiétudes concernant les effets probables du renforcement du contrôle de la recherche d’emploi, tant sur les usagers que sur les agents de Pôle emploi, ont été relayées par certains parlementaires, les associations de chômeurs, des syndicats et des articles de presse.
Le contrôle renforcé, mis en place alors même que le chômage ne baisse globalement pas, est de nature à accroître le mal-être des privés d’emploi et, par ricochet, à dégrader encore davantage les conditions de travail des personnels de Pôle emploi exposés à une augmentation des risques d’agression.
La CGT s’inquiète de cette situation. La Direction de Pôle emploi n’anticipe pas les risques, aucune mesure préventive n’est mise en place : elle met en danger la sécurité des agents.