Le gouvernement s’est lancé dans une offensive d’envergure contre l’assurance chômage, le RSA, le système de retraite par répartition, l’apprentissage et les lycées professionnels et le Service Public de l’Emploi
Liens de l’article :
- Objectif plein emploi
- Pacte de stabilité et de croissance
- Accord cadre du 4 septembre 2020 rapprochement Cap emploi / Pôle emploi
Mesures d’austérité
L’ensemble de ces chantiers pompeusement appelé «Objectif Plein Emploi», présenté le 12 sept. dernier par Olivier Dussopt – Ministre du Travail, et Carole Grandjean – Ministre déléguée à l’Enseignement, vise principalement à adapter (sous la menace de sanctions) les jeunes travailleurs, les bénéficiaires du RSA ou les inscrits à Pôle emploi aux besoins des employeurs locaux : organiser l’ensemble des acteurs (publics et privés) de l’insertion professionnelle comme du placement vers cet objectif au travers France Travail – faire travailler tous les salariés plus longtemps et n’importe où quoiqu’il en coûte.
A travers ces objectifs, le gouvernement entend :
- accroître le pouvoir de l’Etat et réduire notre système de Protection Sociale
- remettre en cause les missions du Service Public de l’insertion, de l’accompagnement, de la Formation en privilégiant le « tout emploi » qu’elle qu’en soit sa nature tout en mettant au pas les structures publiques existantes
- appliquer les mesures d’austérité et les restrictions budgétaires des politiques publiques et de sécurité sociale promises à la Commission Européenne dans le cadre du Pacte de Stabilité et de Croissance 2022 – 2027 pour atteindre les sacro-saints critères libéraux de Maastricht juste révisés : déficit public en dessous de 3 % du PIB et dette publique inférieure ou égal à 60 % du PIB.
D’ores et déjà, la direction générale de Pôle emploi (alors que la mauvaise Convention Tripartite Etat – UNEDIC – Pôle emploi 2019 – 2022 est sur sa fin) s’est inscrite dans cette perspective :
Le rapprochement Pôle emploi / Cap emploi mis en œuvre suite à l’accord cadre du 4 sept. 2020 entre l’Etat, le FIPHP, l’AGEFIPH, CHEOPS, Pôle emploi se traduit par la captation par Pôle emploi des moyens financiers et la constitution d’équipe « emploi handicap » pour s’adresser uniquement au Demandeurs d’Emploi Bénéficiaires de l’Obligation d’Emploi et développer seulement l’axe 1 de la mission des CAP Emploi : « l’accompagnement vers l’emploi » (exit donc l’axe 2 à savoir « l’accompagnement dans l’emploi »).
Le développement de l’offre de service « Métier en Tension » ou « Vivier Sectoriel » avec un portefeuille dédié entend répondre aux jérémiades de certains employeurs, relayées par le gouvernement, dont chacun connait les difficultés de recrutement liées à des offres d’emploi in-attractives, sous payées, aux conditions de travail difficiles et aux horaires bien souvent décalés. Cette offre de service remet en cause le Conseil en Evolution Professionnelle, base de notre métier d’accompagnement des usagers, pour privilégier principalement l’accès à l’emploi sous la menace du Contrôle de la Recherche d’Emploi.
La mise en œuvre du plan DELD /DETLD via le pack de remobilisation a lui aussi été justifié par les dites « tensions de recrutement » et en dehors de l’affichage et d’une réception collective imposée, l’objectif est bel et bien d’imposer à ces travailleurs privés d’emploi ces métiers même s’ils ne correspondent ni à leurs qualification ou à leur choix mais aussi de procéder à des radiations à la pelle.
La création du Contrat d’Engagement Jeune illustre le futur de l’accompagnement au sein de Pôle emploi et demain de France Travail: intégration forcée dans le dispositif pour atteindre les chiffres de suivi – contractualisation d’un retour imposé à l’emploi sous menace de sanctions – obligation d’activité de 15 à 20h/sem. (les conseillers sont contraints de passer plus de temps à imaginer des activités à revaloriser pour remplir cet objectif qu’à accompagner réellement les jeunes demandeurs en fonction du peu de temps dont ils/elles disposent qu’à répondre aux attentes et besoins).
La mise en place des expérimentations Avenir Pro avec les lycées professionnels, pour donner la priorité à l’adaptation au marché du travail, plutôt que de favoriser, construire et envisager la poursuite d’études. L’expérimentation « Avenir Pro » fait intervenir des conseillers au sein des lycées professionnels auprès des jeunes en apprentissage afin – notamment – de leur faire découvrir le « marché local » et anticiper leur inscription à Pôle emploi. Dans le même temps, le gouvernement – via une nouvelle contre-réforme – entend supprimer du temps de formation en lycée professionnel pour doubler le temps de présence des élèves dans les entreprises – renforcer l’autonomie des établissements dans le cadre d’ « expérimentations locales » permettant de recruter des « professeurs associés » tout en adaptant la carte des formations scolaires délivrées aux besoins immédiats de main d’oeuvre des entreprises locales.
Enfin l’accroissement de 25% du Contrôle de la Recherche d’Emploi, mis en place en novembre dernier associé à une réduction de la période d’observation et de collecte de justificatifs limités à 3 mois (au lieu de 12) et d’une simplification de procédure, est poursuivi en 2023 avec un objectif de 500 000 contrôles majoritairement réalisés contre les DE exerçant dans les « métiers en tension » et « sortants de formation » sur ces métiers.
Privatisation de nos missions
L’accompagnement segmenté des publics mis en place par la Convention Tripartite – outre la déqualification induite qu’elle génère pour les conseillers – renforce la privatisation de nos missions et le recours aux prestataires. De plus, dans le cadre de la future loi sur l’asile et l’immigration qui sera débattue début 2023, le gouvernement projette de créer un nouveau titre de séjour d’un an, pour les travailleurs étrangers relevant des « métiers en tension » ! Cette politique de quota, de tri et de concurrence est un véritable scandale.
La Direction Générale de Pôle emploi met déjà en place les orientations gouvernementales préparant ainsi les conditions de mise en oeuvre de son « France Travail » orientée principalement vers les besoins des entreprises. A la CGT Pôle Emploi, nous sommes bien conscients que la transformation de Pôle Emploi en France Travail est bien l’aboutissement des politiques gouvernementales coercitives vis-à-vis des privés d’emploi et des modifications d’organisation au sein de Pôle Emploi opérées depuis quelques années.
Au-delà de la contre-réforme de l’assurance chômage, la convention tripartite 2019 2022 a bien engagé les modifications pour aboutir au projet France Travail, projet libéral du gouvernement et non dans l’objectif de garantir un vrai service public de l’emploi.
La CGT Pôle Emploi, en lien avec la confédération et ses 2 fédérations, a fait le choix de participer au comité des parties prenantes institué par le ministère du travail, avec les objectifs suivants :
- Etre en capacité de porter les revendications d’un vrai service public de l’emploi et d’un droit à une juste indemnisation,
- D’informer sur les propositions connues et les décisions prises,
- de porter notre analyse,
- et de préparer la mobilisation si un rapport de force doit se construire pour faire entendre les revendications des personnels.
La CGT porte un projet de transformation de la société qui est diamétralement à l’opposé de celui du gouvernement et l’assume lors des concertations.
D’ores et déjà, nous ne partageons pas le constat que le ministère du travail a effectué lors de la présentation du chantier France Travail (portant la responsabilité du chômage sur les privés d’emploi), puisque ceux-ci déterminent les objectifs et orientations que le gouvernement souhaite avec France Travail. Il s’agit bien d’un 4/4 constat orienté que nous ne partageons pas. Si nous pourrions partager la volonté d’améliorer le service public de l’emploi afin de rendre le service qu’attendent les salariés privés d’emploi, mais aussi les employeurs, nous ne pouvons que déplorer la méthode. En effet, le constat porté par le gouvernement est qu’il faut faire France Travail pour garantir le plein emploi, quoiqu’il en coûte, en aucun cas pour améliorer les services aux usagers.
Et partant de cet objectif, le gouvernement considère que les opérateurs en place ne sont pas à l’objectif. En effet, aucun constat factuel n’est porté sur les travaux menés depuis des années par les opérateurs de l’emploi et de la formation. De même, il est important de noter qu’aucun bilan n’est porté sur la dégradation du service de l’emploi et de ses partenaires, en lien avec les politiques ministérielles, que ce soit en termes de réductions budgétaires et de restrictions ou en termes d’effectifs et de moyens. Aucun constat n’est aussi porté sur la dégradation du service rendu en raison de l’augmentation exponentielle de la sous-traitance, de la dématérialisation à outrance éloignant les usagers des services publics et des organismes de la protection sociale.
A l’issue des premiers groupes de travail, nous avons également dénoncé la méthode auprès du ministère, cela nous a déjà permis d’avoir une rencontre entre partenaires sociaux et le ministère.
La volonté du gouvernement de rapidement mettre en œuvre des expérimentations sur l’accompagnement des bénéficiaires du RSA démontre son réel objectif avec France Travail, en toute continuité avec son objectif de durcir les règles de l’assurance chômage, et la poursuite de la contre-réforme de l’assurance chômage imposée par décret que nous avions combattue.
Pour faire suite au document incomplet présenté lors du CSEC du 15.11 et du CSE du 24.11, nous sommes conscients que c’est auprès du ministère que nos interrogations, nos alertes, nos revendications devront être portées.
A Pôle Emploi, la CGT revendique un vrai service public de l’emploi et le droit à une juste indemnisation pour les privés d’emploi !